Le premier volume des sources du droit du canton de Neuchâtel a été publié en 1982. Rassemblant les principales sources directes (franchises, ordonnances du Prince, décrétales des Audiences, lois des Trois-États, traités de paix, etc.), il s’est imposé comme un ouvrage de référence pour le droit fondamental écrit neuchâtelois d’Ancien Régime.
Quarante ans après la sortie de ce premier volume, la Fondation des sources du droit
suisse a le plaisir de publier deux nouveaux tomes, l’un consacré aux points de
coutume, qui s’appliquèrent à Neuchâtel jusqu’au milieu du XIXe
siècle, l’autre au coutumier Hory, résultat d’un projet avorté de codifier le droit
sous le règne des Orléans-Longueville.
Classés parmi les sources semi-directes par Dominique Favarger, l’éditeur du premier volume, les points de coutume représentent une source essentielle de l'histoire du canton de Neuchâtel. Ils étaient rendus dès la fin du Moyen Âge par le Petit Conseil de la Ville de Neuchâtel. Ces déclarations du droit, qui ne liaient pas les tribunaux et n'excluaient pas une preuve contraire, couvrent presque tout l'ancien droit privé neuchâtelois. L'image de la coutume qu'elles nous transmettent est fluctuante comme la coutume elle-même.
Georges-Auguste Matile avait déjà publié une grande partie de ces points de coutume au XIXe siècle, mais ce travail méritait d’être repris et complété, car Matile n'a publié que certains points de coutume selon un choix non motivé. Les sources éditées dans le volume 3 s’étendent sur plus de quatre siècles d’histoire neuchâteloise, de 1426 à 1846. Le « terminus ad quem » de 1798 généralement retenu pour la sélection de documents dans d'autres projets cantonaux ne se justifie pas pour le canton de Neuchâtel pour lequel il est communément admis que l’Ancien Régime se termine avec l’instauration de la République le 1er mars 1848 et la liquidation des anciens droits féodaux qui s’ensuit.
Le coutumier Hory n'entra jamais en vigueur malgré les ordres du prince mais fut tout de même utilisé comme le prouvent les nombreuses copies qu'on en a tirées. Son destin particulier et la qualité de son auteur, le chancelier Jean Hory, ont incité la Fondation de sources du droit suisse à le publier à la suite des points de coutume. Revêtu de la signature du prince, il devait prendre place parmi les sources directes auxquelles il appartient formellement, mais dépouillé de toute autorité par le jeu des institutions neuchâteloises, il trouve logiquement sa place parmi les sources semi-directes.
Le coutumier Hory est un ouvrage systématique qui expose avec une extrême clarté
l’ensemble du droit privé et de la procédure en 58 chapitres. Bien qu’il n’ait pas
acquis force de loi et soit demeuré manuscrit, il a joui d’une autorité et mérite une
considération plus grande que celle de tous les autres coutumiers privés neuchâtelois
des XVIIe et XVIIIe siècles. Sa rédaction doit
être replacée dans le contexte d'unification du territoire et du droit neuchâtelois
après le rattachement de la seigneurie de Valangin au comté de Neuchâtel en 1592. Il
s'inscrit également dans la lutte d'influence qui opposa sous l'Ancien Régime les
souverains neuchâtelois à la Ville de Neuchâtel.
L’édition de ces deux nouveaux volumes dans la collection des sources du droit suisse, sous une forme à la fois imprimée et numérique, permet désormais aux milieux scientifiques mais aussi aux passionnés d'histoire d'y accéder de manière fiable et rapide, en Suisse comme à l'étranger. Cette double publication, munie d’un apparat critique et d’une indexation répondant aux exigences scientifiques actuelles, offre en effet la possibilité à tout un chacun d'approfondir ses connaissances historiques grâce à des ouvrages de haute facture et d'intérêt constant, tout en exploitant les sources sous une multitude d'angles grâce aux nouvelles possibilités de recherche offertes par l'édition numérique.
Pour mener à bien cette double édition, la Fondation a eu le privilège de pouvoir compter sur la collaboration et les compétences complémentaires de MM. Adrien Wyssbrod, Arnaud Besson et Grégoire Oguey. Leurs travaux ont bénéficié de l’encadrement scientifique de Mme Pascale Sutter, docteure ès lettres. La Fondation tient à exprimer à ces personnes toute sa gratitude et ses plus chaleureux remerciements.
Ces deux volumes ont été élaborés et publiés avec l’appui de la Commission cantonale neuchâteloise de la Loterie Romande, de la Fondation Friedrich Emil Welti à Berne, du Fonds national suisse de la recherche scientifique, de l’État de Neuchâtel, de la Ville de Neuchâtel et de la fondation de la Bibliothèque publique et universitaire de Neuchâtel. À tous ces généreux contributeurs nous adressons nos plus vifs remerciements.
Neuchâtel, en janvier 2022
Pour la Fondation des sources du droit de la Société suisse de juristes
Lionel Bartolini
Après dix années de travail, nous avons le plaisir de présenter la première édition complète des points de coutume de Neuchâtel. Celle-ci représente 498 déclarations de coutume réparties sur 981 pages, disséminées dans plusieurs volumes conservés dans différentes institutions. Elles sont aujourd’hui rassemblées et mises à la disposition du public avec leurs transcriptions ainsi que leurs fac-similés. Une telle édition était nécessaire pour offrir aux chercheuses et chercheurs, notamment en histoire du droit, histoire des institutions et histoire sociale, ces sources fondamentales pour la connaissance du droit civil de la principauté de Neuchâtel. Cette édition ouvre par ailleurs de nouvelles perspectives de recherche grâce à sa version numérique dont l’accessibilité est renforcée par des outils de classement thématique, la présence d’un lexique dynamique et l’intégration de bases de données référençant les noms de lieux et de personnes. Active depuis 1898, la Fondation des sources du droit suisse a toujours su évoluer et se renouveler pour offrir à ses lectrices et lecteurs les meilleures éditions possibles de textes fondamentaux. Ce nouveau volume de la collection des sources du droit suisse ne fait pas exception, puisqu’il se profile à la pointe de la recherche grâce aux fonctionnalités offertes par son format XML/TEI et aux bases de données auxquelles il est lié.
Travailler sur un tel projet fut pour nous une expérience enrichissante et stimulante. Elle n’aurait cependant pas été possible sans l’aide et le soutien de nombreux acteurs que nous tenons à remercier : en premier lieu le conseil de fondation et en particulier son président, Lukas Gschwend pour la confiance qui nous a été accordée. Ensuite, Lionel Bartolini, membre du conseil de fondation et responsable des Archives de l’État de Neuchâtel qui a imaginé ce projet, nous a accompagnés tout au long de sa réalisation et sans qui cette édition n’aurait jamais vu le jour. Au sein de son équipe, nous avons pu compter sur les conseils avisés et les talents de paléographes de Salomon Rizzo et de Grégoire Oguey. Aux Archives de la Ville de Neuchâtel où sont conservés le coutumier de la Ville et les manuels du conseil de Ville, Olivier Girarbille nous a toujours réservé le meilleur accueil. Ces ouvrages ont pu être numérisés avec le concours de la Bibliothèque publique et universitaire de Neuchâtel, cela grâce à son directeur Thierry Châtelain. Lionel Lüthi, étudiant de l’Université de Fribourg a réalisé la transcription du point de coutume le plus ancien. Enfin, les deux personnes les plus importantes de la Fondation des sources du droit suisse, qui nous ont soutenus quotidiennement et ont fait preuve d’une patience, d’une efficacité et d’une gentillesse sans limite malgré nos erreurs, hésitations et multiples demandes, sont Beni Ruef et Pascale Sutter qu’il convient de remercier tout spécialement.
Grâce au soutien de tous ces acteurs, nous avons le privilège de mettre à votre disposition l’intégralité de la coutume Neuchâteloise. Nous espérons que vous aurez autant de plaisir à vous plonger dans cette édition que nous en avons eu à la réaliser.
Dr Adrien Wyssbrod et Dr Arnaud Besson, Neuchâtel, en avril 2021
Près deux siècle après la parution des « Déclarations ou points de
coutume » de Georges-Auguste Matile
Ainsi, dans la présente édition, tous les points de coutume sont désormais transcrits dans leur intégralité et sont accessibles dans une version numérique augmentée. Cette dernière est destinée à faciliter le travail des chercheurs, mais également à rendre ces sources accessibles à un plus large public. L’édition numérique met à disposition des outils qui devraient permettre de dépasser certaines des technicités et spécificités juridiques, grâce à un système de lemmatisation accompagné de définitions, à des mots-clefs et à des renvois vers des informations historiques pour les noms de personnes, de lieux et d’institutions. Elle participe en outre à l’effort de décloisonnement entre bases de données consenti actuellement par la recherche.
Outre des informations purement juridiques, c’est-à-dire des règles de droit applicables dans des situations bien précises, ces déclarations de la coutume constituent également un véritable témoignage du fonctionnement de la justice d’Ancien Régime à Neuchâtel. Elles livrent un éclairage précieux sur la vie des justiciables et sur la manière dont les institutions fonctionnaient. On ne peut ainsi que souligner la valeur de ces textes pour les juristes, les historiens, mais aussi les linguistes.
Jusqu’à l’introduction du Code civil neuchâtelois en 1853–1855, le droit civil à
Neuchâtel trouve sa source d’une part dans la coutume, mais aussi dans les sources
directes que sont les lois, franchises, chartes, décrétales, ordonnances, mandements,
édits et articles généraux et particuliers. Ces sources directes ont déjà été éditées
par le passé. Les lois sont intégralement reproduites dans le
La coutume, en revanche, constitue un corpus plus difficile à réunir, alors qu’il
apparait essentiel de la rendre accessible en raison de son importance jusqu’au XIXe siècle. L’entreprise est complexifiée par le fait que la
coutume n’a jamais pu faire l’objet d’une codification ou d’une compilation intégrale
et officielle à Neuchâtel. Les souverains du pays ont pourtant périodiquement chercher
à remédier à cette situation, mais sans succès.
La comtesse Jeanne de Hochberg en demande la mise par écrit pour la première fois en
1532. Cette requête est probablement formulée sous la pression des Bernois ou des
douze cantons qui occupent Neuchâtel de 1512 à 1529
Parallèlement, des initiatives privées ainsi que des décisions du Conseil de ville se
rejoignent partiellement et aboutissent à des compilations. En 1595 David Baillod
rédige ainsi un manuscrit
Lorsque Frédéric Ier obtient la succession de la principauté
de Neuchâtel en 1707, il tente timidement de faire codifier la coutume
neuchâteloise sans y parvenir. Il faut ensuite attendre le règne de
Frédéric II, petit-fils du premier, pour que la codification du droit civil
soit à nouveau envisagée sérieusement. Un premier projet du praticien
Jacques-François Boyve est jugé insuffisant par le prince en 1755. Il est
transformé en un petit ouvrage intitulé Examen d’un candidat pour la charge de
justicier
La codification de la coutume n’est plus évoquée que de manière anecdotique à
Neuchâtel jusqu’à ce que Matile publie son recueil en 1836, lequel fut composé d’abord
à titre professionnel mais d’un usage privé avant d’être authentifié et rendu public avec
l’autorisation des autorités. Comme Matile le soulignait, les déclarations de coutume
restent ainsi les sources privilégiées pour connaître le droit civil à Neuchâtel
jusqu’au milieu du XIXe siècle. Après la révolution de 1848
Neuchâtel devient une république et entre 1853 et 1855 un code civil est adopté,
remplaçant définitivement la coutume.
Jusqu’alors, bien qu’aucun coutumier officiel n’ait jamais été promulgué à Neuchâtel, de nombreux coutumiers manuscrits, ainsi qu’un coutumier imprimé, ont pourtant largement circulé, mais tous n’avaient que le statut de réalisations privées. Si l’absence de coutumier officiel est frappante, le Conseil de ville, garant de la coutume, ne manque pas de faire rédiger un coutumier et de s’en servir comme document administratif. Il faut y ajouter le recours paradoxal au coutumier Ostervald mentionné précédement. Ce document privé, autorisé à titre informatif uniquement, semble ainsi avoir été revêtu d’une certaine autorité.
Pour bien appréhender ces sources, il est primordial de comprendre ce qu’est une déclaration et la place qu’elle occupe dans le fonctionnement d’une justice coutumière comme celle de Neuchâtel.
Dans le système coutumier, le justiciable est supposé connaître le droit, mais
lorsque survient un doute il peut adresser une demande à l’autorité coutumière, en
l’occurrence au Petit Conseil, le plus souvent par écrit
La coutume neuchâteloise, de par sa nature même, est plus casuistique que systématique, d’où l’importance pour le justiciable de pouvoir demander une déclaration de la coutume. Il lui était ainsi possible de demander au Petit Conseil une déclaration portant sur un ou plusieurs points de coutume et surtout d’en demander la mise par écrit. Le justiciable pouvait ensuite s’en pourvoir devant les tribunaux, comme d’un avis de droit délivré par une autorité, non pas législative au sens où nous l’entendons aujourd’hui, mais qui demeure tout de même garante du droit.
Le Petit Conseil, aussi appelé Conseil Étroit ou Conseil des Vingt-Quatre, est
considéré comme le gardien de la coutume. L’autorité de ce corps en la matière s’étend
sur l’ensemble de la seigneurie puis de la principauté de Neuchâtel. Même s’il est
possible selon Matile que le rôle de gardien de la coutume du Petit Conseil ait des
origines plus anciennese siècle. Ensuite de la mort de
Philippe de Hochberg en 1503 et du mariage de sa fille Jeanne avec Louis d’Orléans
l’année suivante, les cantons suisses et en particulier les combourgeois craignent une
influence trop forte de la couronne française sur le pays de Neuchâtel. En 1512,
durant les guerres d’Italie, ils occupent préventivement le Comté et en confient la
gestion à des baillis jusqu’en 1529. Une fois Neuchâtel restitué à Jeanne de Hochberg,
celle-ci va affermer les revenus du pays aux bourgeois de la ville de Neuchâtel dès
1536. Ces événements vont bien évidemment renforcer la prééminence de la bourgeoisie,
puisque c’est elle qui gère les finances du pays et pourvoit aux
dépenses
En tant que gardien de la coutume, le Petit Conseil a uniquement le droit d’énoncer
la coutume existante et non de la créer. Lorsque la coutume est muette sur un point,
il renvoie ainsi le requérant à une « connaissance de justice ». Le Petit
Conseil le précise par exemple dans une déclaration du 18 février 1792 :
« Que n’ayant dans ce pays aucunes loix ni coutumes qui décident cet article, ni
aucun exemple d’un cas pareil, l’on renvoye aux tribunaux ordinaires le soin d’en
juger suivant justice et équité. »
À préciser encore que les déclarations de coutume ne sont pas gratuites pour les
demandeurs. Une note dans un manuel du Conseil de ville, daté du 29 novembre
1618, précise à cet effet : « Passé que doresenavant pour chescune
cognoissance et declairation qui se rendront en ceste ville, se payera huict
batz. »
Malgré les résistances à la codification, la notion de coutume pour
l’Ancien Régime à Neuchâtel n’entretient pas de corrélation avec l’idée
d’oralité. En revanche, elle semble trouver son origine dans l’usage. Celui-ci est
gestuel, « populaire » et se conserve uniquement par la répétition de
l’acte. La coutume orale apparaît ainsi constituer la verbalisation de l’usage, lequel
est garanti par l’ensemble ou du moins une partie des sujets de droit et est conservé
par la mémoire et l’énonciation répétée. La coutume écrite est simplement la mise par
écrit d’une coutume orale, garantie par un groupe étatique revêtu d’une autorité
idoine, comme le Petit Conseil. Par contraste, la loi est un droit écrit émanant
directement d’un corps de l’État et garanti par lui. En résumé : « L’usage
est une manière collective d’agir, la coutume en est sa formulation, orale puis
écrite, et la loi la règle édictée par une autorité soit en s’inspirant d’une coutume
ou au contraire dans le but de la remplacer. »
Un point de coutume est une réponse donnée à une question précise, alors que les déclarations de la coutume contiennent la ou les réponses faites à un ou plusieurs points de coutume demandés par une même personne dans une unique demande. Dans cette édition, nous avons logiquement reproduit la coutume en respectant la division naturelle par déclarations, que ces dernières contiennent un ou plusieurs points de coutume.
Une déclaration de la coutume suit généralement une structure formulaire qui varie peu et découle probablement de la nature originale de la déclaration, qui consistait en un procès-verbal de la séance du Petit Conseil qui la rendait. Un préambule indique la date de la séance du Conseil, ainsi que la présence d’officiers comme le maire ou le maître-bourgeois dont les noms sont alors donnés. Il est parfois indiqué que le Conseil agit au nom du souverain du pays. Immédiatement avant ou après, le demandeur est également identifié et s’il agit par procuration, cela est aussi indiqué. À la suite de ce protocole initial, on trouve l’exposé de la demande, qui peut porter sur un ou plusieurs points de coutume. On trouve ensuite généralement une nouvelle partie formulaire qui notifie que le Conseil ayant délibéré, s’apprête à énoncer « la coutume en usage depuis un temps immémorial dans la souveraineté de Neuchâtel ». Suivent enfin les réponses aux demandes formulées précédemment. La déclaration se termine ensuite par une souscription dont la formulation varie et dans laquelle on peut parfois trouver mention que la déclaration a été demandée par écrit et qu’une copie en a été expédiée au demandeur. Les membres du Conseil présents sont parfois nommés. Enfin, une souscription formelle du secrétaire, signée de sa main, indique que la déclaration a été donnée à la date mentionnée. Lorsque les déclarations ont été compilées par une main ultérieure, le compilateur mentionne que la déclaration est une copie et y fait figurer le nom du secrétaire original.
La structure formulaire des déclarations diffère en fonction du type de compilation dont elles ont été extraites. Celles conservées dans les manuels du Conseil de ville sont par exemple plus sommaires et omettent parfois les parties formulaires. Ces parties formulaires connaissent une importante évolution et contiennent souvent des informations sur les requérants, d’où l’importance de les transcrire systématiquement au même titre que les points de coutume eux-mêmes. En outre, certaines entrées des manuels du Conseil de ville mentionnent uniquement qu’un point de coutume a été demandé et que la déclaration en a été donnée, mais sans en préciser le contenu. Pour l’historien du droit, les demandes restées sans réponse présentent cependant autant d’intérêt que les points de coutume eux-mêmes. Par souci d’exhaustivité, nous avons donc reproduit la totalité des déclarations dans leur ensemble, à savoir les demandes, les réponses et les parties formulaires, qu’elles soient complètes, lacunaires ou même anecdotiques : par exemple la seule mention du dépôt d’une demande, sans autres précisions.
Dans de rares cas, le Conseil refuse simplement de donner un ou plusieurs points de
coutume. L’exemple le plus marquant en est la défense faite par le procureur général au
secrétaire de délivrer des points de coutume au capitaine Vallier en 1631. Ce dernier
avait demandé par l’intermédiaire du notaire David Cornu dix points de coutume par écrit. Le
Petit Conseil comprend que le gouverneur est derrière cette démarche et décide de
nommer cinq à six de ses plus anciens membres pour lui répondre
À l’exception de la plus ancienne déclaration de la coutume, donnée en 1529 et qui se
trouve sur un parchemin isolé, les sources utilisées pour cette édition sont de trois
types : des compilations juridiques privées, des procès-verbaux des séances du
Conseil et des documents administratifs. Au total, cela représente neuf manuscrits
différents, entre les deux coutumiers de la ville, les manuels du Conseil de ville et
un manuscrit de David Baillod. Ces différentes traditions représentent
quatre-cent-nonante-huit déclarations au total, qui outre celle de 1529 datent d’entre
1559 et 1846. On peut constater une irrégularité dans la fréquence des déclarations de
la coutume, avec de longues interruptions au cours du XVIIe siècle par exemple.
Confronté à ces différentes traditions manuscrites, comment procéder à une édition ? La question a déjà été largement défrichée par les travaux de Georges-Auguste Matile, aussi faut-il y revenir brièvement.
Né à La Chaux-de-Fonds en 1807, Georges-Auguste Matile effectue son collège à Berne,
puis des études de droit à Berlin et Heidelberg où il achève une thèse de doctorat en
1829. Il occupe les fonctions d’interprète du roi de Prusse (1832–1837), de châtelain
du Landeron (dès 1837) et enfin de professeur de droit à l’Académie de Neuchâtel
(1840–1848). Il exerce également des charges politiques en tant que député de la Sagne
au Corps législatif (1838–1848) et il est membre du Tribunal des Trois-États
(1839–1848)
Son ouvrage paru en 1836, Déclarations ou points de coutume rendus
par le Petit Conseil de la ville de Neuchâtel, n’est pas une édition exhaustive
des déclarations de la coutume. Destinée d’abord à la formation et à la pratique du
barreau, elle offre pourtant des extraits authentifiés par notaire et publiés avec
l’accord des autorités. Mais Matile a sélectionné un certain nombre de déclarations,
ne retenant que celles qui lui paraissaient pertinentes. De plus, même pour les
déclarations sélectionnées, Matile n’offre pas de transcriptions intégrales, dans le
souci de rendre son édition plus abordable. Il s’attache généralement à rendre le sens
du point de coutume et non sa forme. Les noms des demandeurs et des membres du Conseil
ou officiers présents ont été omis et les parties formulaires ont généralement été
tronquées. En résumé, Matile, dont l’ouvrage était supposé offrir une utilité à la
pratique juridique n’a retenu du texte des déclarations que les points de coutume
eux-mêmes.
Au niveau du corpus de manuscrits, Matile a tout d’abord utilisé comme base les deux
coutumiers de la villeHistoire des institutions judiciaires et législatives de la
Principauté de Neuchâtel et Valangin
Pour cette édition des Sources du droit suisse, nous avons procédé de manière
similaire, mais avec un plus grand souci d’exhaustivité. Comme dit précédemment, nous
avons ainsi reproduit la totalité des déclarations contenues dans les deux coutumiers
de la ville
Le Conseil de ville de Neuchâtel disposait d’un coutumier en deux
tomes
Le premier volume
Le deuxième volume
Certains points de coutume n’ont pas été consignés dans le coutumier de la ville. Ils
ont toutefois laissé une trace dans les manuels du Conseil de ville (ci-après MCV).
Ces procès-verbaux des séances du Petit Conseil réunissent 82 points de coutume,
datant de 1593 à 1687, qui ne se retrouvent pas dans les deux tomes du Conseil de
ville. Ils sont disséminé dans 6 volumes.
Les déclarations semblent avoir été initialement mentionnées dans les MCV et copiée dans le coutumier de la ville. Les mentions deviennent de plus en plus sommaires au fil du temps et la pratique n’est plus systématique à partir de 1657. Passé cette date, les informations sur la coutume que l’on retrouve dans les MCV sont très brèves et il ne s’agit généralement pas de déclarations, mais de mention du refus de donner un ou plusieurs points ou de renvois à un Conseil ultérieur. Afin d’être exhaustif, ces mentions ont également été transcrites.
Enfin, notre troisième source en termes d’importance est constituée par la tradition
manuscrite qui émane du secrétaire de la ville David Baillod. Celui-ci avait entrepris
de reproduire par écrit et surtout de réunir dans un cahier des déclarations de la
coutume. Rien n’indique qu’il ait été officiellement chargé de le faire, mais plutôt
qu’il ait réalisé une compilation à titre privé, peut-être dans le cadre de son
activité professionnelle. Quoi qu’il en soit, ce manuscrit a souvent été cité sous le
nom de « coutumier Baillod » ce qui a pu être source de confusion pour les
chercheurs, car il existe en réalité deux manuscrits distincts de Baillod qui
présentent des similitudes mais ne sont pas des copies. Ainsi, le manuscrit que décrit
Matile dans son édition de 1836, Déclarations ou points de coutume
rendus par le Petit Conseil de la ville de Neuchâtel, n’est pas à proprement
parler un coutumier, mais un recueil juridique privé de la main de David Baillod qui
rassemble des sentences et des appels, à la fin duquel sont reportés une trentaine de
déclarations de la coutume. Déposé aux Archives de l’État de Neuchâtel, il porte la
cote AEN 14JL-451.
L’autre manuscrit de Baillod se trouvait dans la bibliothèque de la Société de Pasteur jusqu’en 2017, date à laquelle le fonds a été légué aux Archives de l’État. Il peut être consulté actuellement sous la cote AEN 3PAST-2. Ce manuscrit contient lui aussi une trentaine de déclarations de coutume, d’où la confusion possible lorsqu’il est fait mention de manière imprécise du « coutumier Baillod ».
Il y a peu de recoupements à faire entre les déclarations copiées dans les deux
manuscrits de Baillod. De plus, le manuscrit de la Société des
Pasteurs
En revanche, le premier manuscrit, la compilation juridique que Matile a
utilisé pour son édition de 1836
Avant cette tradition, la première déclaration de la coutume, rédigée sur un
parchemin, date de 1426
Certaines déclarations renvoient à des points de coutume plus anciens, à des dates où il n’existe pourtant aucune déclaration dans les manuels. Dans la plupart des cas, il s’agit d’une erreur de datation et il est possible, grâce à un nom, un écart de date minime ou une formulation identique de retrouver le point en question. Dans deux cas toutefois il a été impossible de relier l’évocation d’un point avec une déclaration existante.
Dans la déclaration du 20 juillet 1725
Le deuxième point introuvable est cité dans deux déclarations, la première du
3 novembre 1658
À l’exception de ces deux déclarations introuvables, la totalité des points de coutume, ainsi que les mentions de refus de donner un point de coutume sont reproduits à l’identique dans cette édition.
Quelques précisions encore sur les normes que nous avons suivies pour cette édition.
Les transcriptions ont généralement été réalisées en accord avec les « Conseils pour l’édition des textes de l’époque moderne (XVIe–XVIIIe siècle) » de Bernard
Barbiche, dans les « Techniques
pour l’Historien en ligne : Études, Manuels, Exercices,
Bibliographies » (Theleme) de l’École des Chartes. Ainsi, les lettres
« i » et « u » ayant valeur de consonne ont été transcrites
respectivement par « j » et « v ». Les nombres ont été
reproduits tels qu’ils se présentent dans le document. Les abréviations sont
généralement rendues à la fois telles quelles et développées. Afin d’éviter
d’inutiles complications, certains cas ont été systématiquement développés, sans
reproduire l’abréviation. C’est le cas des « m » et des « n »
suscris pour signifier une double lettre, de « e » pour « et »,
tout comme de l’esperluette simplifiée pour « et ». C’est aussi le cas du
« p » taillé pour « par », du « cum » abrégé pour le
préfixe « con- » ou encore du « comme » abrégé en
« coe ». Dans les manuscrits, la terminaison « -ez » est
fréquemment employée pour « -és » et, lorsque cela posait des problèmes de
lisibilité, la terminaison « -és » a été préférée. Les eszetts, peu
courants, ont été transcrits en double « s », sauf dans les noms et
prénoms. Les mots agglutinés ont été séparés lorsque cela s’y prêtait, mais aucune
locution qui se serait soudée par la suite pour ne former qu’un seul mot n’a été
soudée. Concernant l’accentuation des mots, les textes ont été divisés en trois
périodes conformément aux recommandations de Bernard Barbiche :
Pour les déclarations du XVIe siècle (jusque vers les années
1580) on applique les normes fixées pour l’édition des textes médiévaux. Seul l’accent
aigu est utilisé sur la lettre « e » pour distinguer « e » tonique
de « e » atone en monosyllabe ou en syllabe finale (né, tombé, vous avés,
aprés, procés). On n’accentue pas les finales en « -ee » (nee, armee).
Pour les déclarations du XVIIe siècle (vers 1580–vers 1715), les
accents peuvent être plus largement utilisés. En particulier, on accentue les finales
en « -ée » (née, armée), et on emploie l’accent grave sur les lettres
« a », « e » et « u » dans les prépositions et les
adverbes monosyllabiques pour les distinguer des mots homographes (à, là, dès, lès,
où). En revanche, on n’accentue pas la lettre « e » à l’intérieur d’un mot
(maniere, pere, present).
Pour les documents du XVIIIe siècle, on applique l’usage actuel.
Les trémas, cédilles et apostrophes sont introduits conformément à l’usage actuel.
Inversement, les trémas sont supprimés lorsqu’ils figurent sur des mots qui n’en
comportent plus aujourd’hui (ex. : queüe, veü). La ponctuation, les majuscules et
les minuscules sont introduites et utilisées selon les règles actuelles.
Ajoutons encore qu’en matière de calendrier, Neuchâtel adopte le calendrier grégorien
le 1er janvier 1701, passant ainsi directement au
12 janvier 1701